Les photos "sexuelles" d'un policier lyonnais passent mal au tribunal

Les photos "sexuelles" d'un policier lyonnais passent mal au tribunal

Un policier lyonnais était jugé pour agression sexuelle aggravée ce mardi devant la 6e chambre correctionnelle du TGI de Lyon. Photographiant des femmes victimes de violences, il poussait le zèle jusqu’à les dévêtir entièrement afin de rechercher de prétendues traces de coups et blessures. Depuis les faits, il

"Il a fermé la porte à clé, et je me suis sentie pas bien. Il m’a dit :  maintenant tu te déshabilles entièrement. Quand il a dit ça, il a mis sa main sur son arme et j’ai eu peur. Je me suis mis en culotte et en soutien gorge, il a touché ma culotte. Il me faisait peur, il avait une respiration super forte, on aurait dit un taré..."

 

C’est le récit pénible livré à la barre du tribunal par une jeune femme venue initialement déposer plainte le 27 novembre 2011 au commissariat de Villeurbanne pour les coups qu’elle  venait de subir les coups de son compagnon. 

 

C’est Fabien Gassaux, un policier en poste au sein de la Base Technique Divisionnaire (BTD), une unité de l’identité judiciaire, qui va prendre en charge la jeune femme afin de prendre des photos de ses blessures. 

 

Mais alors que l’ensemble de ses collègues se contentent de prendre les clichés des blessures établies par les certificats médicaux rédigés par les médecins, sans jamais pousser le zèle jusqu'à déshabiller entièrement les victimes, lui va plus loin.

 

Il fait monter les femmes dans un bureau très isolé au cinquième étage du commissariat. Il prend soin de fermer la porte à clé et intime l’ordre de se dévêtir entièrement quand bien même les victimes déclarent des blessures seulement aux visages ou juste sur un orteil. 

 

Huit femmes ont déposé plainte pour agression sexuelle contre Fabien Gasseaux. Mais l'IGPN, la police des polices, a mis au jour onze cas potentiellement victimes des agissements de cet ancien policier, révoqué de la police nationale le 7 août 2012. Mais Fabien Gasseaux a déposé un recours devant le tribunal administratif (toujours à l'étude) et espère réintégrer la police nationale. 

 

Perfectionniste
Dans ce huis-clos crispant, Fabien Gassaux se livrait alors à un long et minutieux examen de toutes les parties du corps des plaignantes. Il leur demande de retirer leur soutien-gorge "parce que l’armature du soutien-gorge laisse des traces sur la peau, et qu’il faut être certain qu’il ne s’agit pas de traces de coups" assène-t-il sans sourciller à la barre du tribunal. 

 

Main tremblante et respiration forte, il explore le corps des jeunes femmes dans une proximité gênante au moyen d’une lampe torche. Il se met à genoux devant elles. Leur fait poser une jambe sur son genoux et explore l’entre-jambe, toujours à la recherche de traces de coups, argue-t-il. 

 

"Madame la Présidente, je suis un perfectionniste. Ma manière de procéder est un quadrillage de la personne pour ne rien rater. Cette méthode, je ne la tiens de nulle part, je l’ai mise au point pour être le plus efficace possible" se défend-il, semblant totalement dépourvu des plus élémentaires règles de conventions sociales liées au savoir-être.

 


Jamais sur les hommes
Étonnamment, cette méthode si sophistiquée à ses yeux, il ne l'a jamais pratiquée sur les hommes. 

 

"Trois victimes de violence de sexe masculin qui avaient fait l’objet de photographies, déclaraient que le policier ne leur avait pas demandé de se mettre en sous-vêtements, mais uniquement torse-nu et seulement lorsque la localisation de leurs blessures le justifiait" est-il écrit dans la procédure. 

 

Lorsque la présidente du tribunal lui demande les raisons qui le conduisent à examiner les victimes bien au-delà de l’auscultation des médecins, il répond "que les médecins ont pu passer à côté de quelque chose". 


Lors de la phase d’enquête, ses collègues ont déclaré qu’ils ne demandaient jamais aux victimes de se déshabiller entièrement, qu’ils ne les touchaient jamais et que certains n’utilisaient jamais le bureau du cinquième étage. 


D’autres, frappés du coin du bon sens, estimaient qu’ils auraient fait appel à un collègue de sexe féminin pour réaliser des photographies des parties non visibles sur les corps des victimes.


En défense, Fabien Gassaux affirme que sa hiérarchie ne l’a jamais formée en dépit d’une vingtaine de demandes restées sans réponse. Que les collègues de sexe féminin étaient totalement absente de son service.

 

"Y a pas de formation pour ça..."
Me David Metaxas, l’avocat d'une partie civile, a repris au vol l’argument. "La défense  va plaider la faute de la hiérarchie qui n’a pas formé son fonctionnaire. Mais y a pas de formation pour ça. Il n’existe aucune formation pour interdire à un homme d’emmener une jeune femme au 5ème étage d’un commissariat de police dans une salle dont il a les clés et de la faire déshabiller". 

 

Me Metaxas ajoute en référence à la reconversion de Fabien Gassaux dans la sécurité privée depuis son départ de la police : "Vous imaginez une seule femme dans les locaux de sécurité d’un centre commercial privé avec cet homme-là ? Vous en tirerez toutes les conséquences » a-t-il arguer à l’adresse des membres du tribunal. 


Me Hervé Banbanaste, l’avocat d’une autre victime, s’est dit inquiet : "Pas une once de remise en cause. En plus, il se pousse du col. C’est un grand professionnel ! Il est pointilleux et perfectionniste et il veut redevenir policier ! Mais nommez-le à la brigade des moeurs ! Les bras nous en tombent ! La confiance publique, c’est important. Quand on va chez son notaire, son médecin, on fait confiance et cette confiance publique vous l’avez trahie monsieur. On voit ça dans quel pays ? On voit ça dans les pays sans Etat ! »

 

18 mois avec sursis
Le ministère public a requis 18 mois d’emprisonnement, dont 12 avec sursis. Me Gabriel Versini, avocat de Fabien Gasseaux, a débuté sa plaidoirie quelque peu surpris, mais confiant : "18 mois, c’est bien peu..." Il s’attendait à beaucoup plus. Il n’est pas le seul. Délibéré en février.

 

Slim Mazni